Les produits d’entretien sont-ils dangereux ?

L’association française 60 millions de consommateurs  vient d’éditer un hors-série intitulé : Maison saine. Nettoyer sans polluer (voir infra)

En tant qu’entreprise titre-service soucieuse du bien-être des aides-ménagères, nous avons voulu en savoir plus.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les conclusions de cette enquête sont inquiétantes ! On y apprend que la pollution à l’intérieur de nos habitations est, en moyenne, cinq fois plus importante que celle à laquelle nous sommes exposés à l’extérieur.

Les composés organiques volatils (COV) et autres joyeusetés

sources 60 millions de consommateurs

Cette pollution se divise en trois catégories de polluant classé selon leurs caractéristiques (chimique, biologique et physique). Notre mission d’entreprise titre-service nous conduit à nous intéresser à la première catégorie qui regroupe, par ordre de nocivité, le tabac, les produits ménagers et le monoxyde de carbone.

Les nettoyants industriels

Un beau panel !

Pour nettoyer, les fabricants nous proposent un large éventail de produits. Ces derniers sont parés des vertus les plus diverses : nettoyant, purifiant, bactéricide, parfumant, etc. Dès qu’on souhaite connaitre leur composition, la formulation devient vite plus obscure. Or, en étudiant les termes plus en détail, on s’aperçoit que ces produits comportent des irritants, des allergènes et sont nocifs pour l’environnement. De plus, leur usage même demande à être mieux étudié afin d’en réduire les effets les plus néfastes. Car, et là réside le paradoxe, alors que nous acquérons ces produits en pensant rendre nos intérieurs plus sains et plus propres, nous faisons en fait entrer des substances qui finissent par se retourner contre nous, nos proches et la nature.

À court terme, ces produits peuvent provoquer des irritations cutanées ou oculaires, des brûlures, des allergies, des pollutions de l’air et du sol.

À plus long terme, certaines molécules contenues dans ces produits peuvent entrainer des troubles plus graves encore. Les perturbateurs endocriniens conduisent à des déséquilibres hormonaux qui affectent la croissance ou la fertilité. Les allergies peuvent évoluer en maladies respiratoires (je vous renvoie, p. ex. à notre article sur la javel).

Nuançons cependant ce constat

L’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (Ademe), l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) et le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) rappellent, dans une étude récente (voire infra) visant à définir un protocole d’essais pour l’évaluation des émissions en composés volatils, que « dans des conditions d’utilisation normales, en respectant les quantités du fabricant et en aérant, il n’y a aucun problème ».

Notons cependant que votre aide-ménager(e) est exposé plus souvent que la normale à ces produits !

D’autre part, le rapport de l’Ademe ne tient compte ni des perturbateurs endocriniens ni de l’impact écologique des substances utilisées. Il se concentre sur un nombre plus limité de produits.

Quelles précautions faut-il prendre ?
  • La première des précautions : gardez ces produits hors de portées des enfants.
  • Lisez bien les étiquettes des produits d’entretien et, au besoin, allez voir sur le site des fabricants parfois plus complet (il existe une obligation d’information pour les détergents). Respectez les doses indiquées. N’hésitez pas à en parler directement avec votre aide-mènagèr(e). C’est un(e) professionnel (le) formé(e) à la lecture des étiquettes et des pictogrammes de sécurités.
  • Enfilez/fournissez les protections adéquates (gants, lunettes de protection voire masque pour les produits irritants). Dans tous les cas, le port des gants devrait être systématique.
  • Respecter les recommandations du fabricant.
  • Aérer les pièces (idéalement) pendant et après le nettoyage, durant au moins 10 minutes, été comme hiver.
  • Rincer les surfaces nettoyées.
  • Préférer des produits non parfumés.
  • Réduire le nombre de produits utilisés conjointement.
  • Proportionner le niveau d’utilisation aux besoins réels.
  • Limiter la présence de personnes dans les pièces en cours de nettoyage. En particulier, éviter la présence de personnes sensibles.
  • Considérer la pertinence d’employer des moyens de nettoyage qui n’émettent pas de substances toxiques : nettoyage vapeur, chiffons microfibres, chiffon humide, etc.
  • Bien souvent, et sans remettre en cause les quelques conseils ci-dessus, nous pouvons recourir à des alternatives écologiques et respectueuses de votre santé à un prix moindre. Méfiez-vous cependant du greenwashing, nous allons y venir.

Qu’est-ce que le greenwashing ?

L’écologie est à la mode et les professionnels du marketing l’ont bien compris. Pour répondre aux demandes mercantiles de leurs employeurs, ils favorisent donc une communication et des emballages qui mettent en avant la nature (petites fleurs sur l’étiquette, couleur verte, voire de prétendues recettes « inspirées par la nature »). Cette pratique, devenue quasi majoritaire dans les rayons de produits d’entretien, s’appelle le « greenwashing », on parle également d’écoblanchiment.

Cependant, 60 millions de consommateurs fait remarquer que, dans un très grand nombre de cas, les produits en question sont très loin d’être aussi vertueux que l’affirment les fabricants.

Ainsi de ce spray, dont nous tairons le nom (mais vous pouvez consulter l’enquête à laquelle nous nous référons pour en savoir plus) qui prétend sa recette inspirée de la nature. Un conditionnement transparent dont l’étiquette s’orne de motifs floraux précise qu’il contient des extraits de citron. Mais voilà, le produit contient trois allergènes (limonène, linalol et géraniol). Si la bouteille est en plastique recyclé, on trouve dans son contenu trois conservateurs de la famille des isothiazolinones, toxique pour la nature.

Une autre technique passe par la mise en avant d’un produit réputé naturel.  Mais ce dernier n’entre que pour une faible part dans la composition.

Ainsi d’un nettoyant au savon noir et à l’huile de lin, le savon noir est effectivement un excellent produit de nettoyage sans danger pour la santé ou l’environnement (un article sur les propriétés de ce produit suivra dans les semaines qui viennent). Mais le fabricant n’en utilise que pour remplir 15 % de son flacon.

Détecter le greenwashing
  • Nombreuses références à la nature (fleurs, végétaux…) ;
  • Allégations vagues (« pure Nature », « vent de fraîcheur ») ;
  • Mentions (obligatoires) au dos des emballages signalant des produits toxiques (isothiazolinones, biocides) ;
  • Logo indiquant que le produit est dangereux pour l’environnement aquatique ;
    mentions « sans parabènes » et « sans colorants » pouvant cacher d’autres substances encore plus toxiques ;
  • Présence d’un seul ingrédient bio (« nettoyant au citron bio »), ce qui ne garantit en rien le reste de la composition.

Et le reste, me direz-vous ?

Un conservateur, de la benzisothiazolinone, irritant, allergisant et toxique pour les organismes aquatiques. La composition recèle  des phosphonates, des polymères et du tetrapotassium etidronate, nocifs pour l’environnement et peu biodégradables. Bref, croyant acheter un produit sain, le consommateur se retrouve avec des composés tout aussi nocifs qu’avec la version « standard » du produit vendu par la même marque.

Cette technique peut aller très loin. Sans entrer dans les détails, des fabricants récemment apparus dans les rayons et se prétendant « bio » sont très loin de bannir les substances problématiques.

Mais alors que faire ?

Face à de telles pratiques et à des étiquettes qui comprennent des compositions noyées dans les termes chimiques écris en petit caractère, nous, consommateurs, ne pouvons que nous sentir désemparer.

Ecolabel Européen

Heureusement,  des labels destinés à nous aider à y voir clair existent. Ces derniers peuvent émaner aussi bien de l’Union européenne que d’initiatives privées (généralement d’un groupement d’employeurs) et n’utilisent pas les mêmes critères. Nous aurons à revenir dans un prochain billet sur ce sujet tant il est complexe à appréhender.

L’association de consommateurs français milite dorénavant pour un « ménag’score » sur le modèle du Nutri-scores. Cette idée, qui se base sur une échelle qui va de A {non nocif – aucun produit testé ne répondait à ce critère} à E {Quantité importante de substances irritantes, allergisantes et très nocives pour la santé (perturbateurs endocriniens, cancérigènes, reprotoxiques, toxiques…) et pour l’environnement. Plus de la moitié des produits étudiés correspondent à ce critère !}

Il s’agit d’une solution qui faciliterait sans doute la vie tant des consommateurs que des professionnels du nettoyage que sont les aides-ménagèr(e)s. Elle dépendra de l’intérêt des pouvoirs publics ou (et) de la bonne volonté des industriels du secteur. Rien ne dit que ce système verra le jour prochainement et, même, s’il verra le jour !

C’est la raison pour laquelle votre entreprise titres-services préférée préconise le recours à des produits d’entretien « faits maison » (c’est-à-dire à base de bicarbonate de soude, de vinaigre, de savon noir, de terre de Sommières, etc.) D’autre part, nous formons nos salariés pour pouvoir vous aidez à bannir les produits problématiques.

Les produits « faits maison » sont-ils réellement plus sains ?

L’Ademe (et les deux autres organismes français cités plus haut) ont testé en conditions réelles dix produits : six industriels et quatre « faits maison ».

Résultat, les produits industriels émettent beaucoup plus de COV et de poussières suspectées d’être cancérigènes voire dont la toxicité est avérée comme le formaldéhyde.

Le bicarbonate de soude

La principale raison tient au fait que les produits manufacturés sont composés d’un plus grand nombre de produits chimiques que les produits « maison ».

Attention, ne gâchez pas les avantages de ces derniers en ajoutant de grandes quantités d’huiles essentielles !

En effet, et n’en déplaise aux fabricants de ces dernières, il s’agit de produits manufacturés. Ils mélangent un grand nombre de molécules (entre 80 et 100 composants différents) dont l’innocuité des interactions n’est pas établie (une étude est en cours en France).

Si vous souhaitez ajouter un — léger — parfum à votre savonnée, mieux vaut limiter l’usage d’huile essentielle à deux ou trois gouttes pour un seau (même de 10 L).

Mais rappelez-vous tout de même qu’« une odeur agréable ne signifie pas nécessairement qu’un produit est sain et/ou efficace ».

Purifier par les plantes ?

Nous l’avons tous appris à l’école, les plantes transforment le carbone dans l’air en oxygène. Il s’agit d’un mécanisme appelé la photosynthèse. Au-delà de ce mécanisme, certaines plantes ont la capacité d’absorber différents COV.

Tant et si bien que se développe l’idée que les plantes seraient une solution pour dépolluer nos intérieurs, on parle ici de phytoremédiation.

En laboratoire, les résultats sont concluants et même, pour les broméliacées p. ex., spectaculaires !

Mais voilà, nous ne vivons pas dans un laboratoire et nous n’optimisons pas de la même manière les soins nécessaires.

Bref, de 2004 à 2011, l’Ademe a mené une étude en situation réelle et a conclu que « l’efficacité d’épuration de l’air par les plantes seules est inférieure à l’effet du taux de renouvellement de l’air sur les concentrations de polluants. Autrement dit, l’aération et la ventilation restent bien plus efficaces que l’épuration par les plantes. Par conséquent, l’Ademe considère que l’argument “plantes dépolluantes” n’est pas validé scientifiquement au regard des niveaux de pollution généralement rencontrés dans les habitations ».

En fait, il faudrait compter 2,4 plantes/m² pour espérer bénéficier d’un effet dépolluant. Ce qui aboutirait à augmenter le taux d’humidité dans nos maisons (et donc les moisissures et les acariens p. ex.)

D’autre part, certaines plantes sont elles-mêmes allergènes (comme le ficus).

Un dernier conseil

De tous les conseils que j’ai pu lire celui qui me semble le plus important est celui-ci : aérez !

Aérer son intérieur une dizaine de minutes par jour, même en hiver, permet de nous débarrasser de la plupart des substances nocives emprisonnées dans nos intérieurs.

Savez-vous, par exemple, qu’aérer sa chambre, lit ouvert, entre 15 et 30’ suffit amplement à contenir les acariens. Pourquoi ? Parce que, ce faisant vous réduirez le taux d’humidité de la pièce et que c’est un des facteurs qui favorisent leur prolifération.

Ne vous étonnez donc pas si les aides-ménagères d’Arobase-services ouvrent les fenêtres durant leur prestation. Ils et elles contribuent ainsi à purifier votre intérieur et à se prémunir contre les effets nocifs des produits ménagers.

Jean-Michel


Pour aller plus loin :

NICOLAS M., KARR G., REAL E. MAUPETIT F. 2018. Impact des produits d’entretien sur la qualité de l’air intérieur. PEPS — Définition d’un protocole d’essais simple et harmonisé pour l’évaluation des émissions en composés volatils. Rapport, 162 pages

Maison saine. Nettoyer sans polluer. Hors-série du magasine 60 millions de consommateurs, mai-juin 2019, n°1285

SPF santé public 

L’écolabel européen

Vert et propre.be